ESSAI : De la nécessité du grec et du latin

Auteurs : Siouffli et Rey
Editeur : Flammarion

S’il y a bien un débat qui anime l’éducation francophone, c’est celui-là : doit-on encore apprendre le grec et le latin ? À une époque où l’utile et le factuel prennent le pas, pourquoi charger la tête de nos enfants avec des langues "mortes" ? C’est en filigrane, ce que proposent d’aborder Alain Rey et Gilles Siouffli, deux passionnés de la langue française (et pas deux latinistes ou deux hellénistes, comme on pourrait s’y attendre). 
Ils posent alors tour à tour les jalons historiques de ce que l’on pense savoir de ces langues, de leur évolution, de leur impact sur la langue que nous utilisons et des questions liées à leur place dans l’enseignement… des questions qui en l’occurrence ne datent pas d’hier. Pour eux, la question n’est pas tant de savoir si ces langues "mortes" doivent continuer à être transmises, mais ce qui fait qu’elles ont si longtemps vécu ; qu’elles ont mué, qu’elles ont été tantôt prisées, tantôt rejetées, au fil des idéologies et des desseins des sociétés qu’elles ont traversées. 
Le but de l’essai n’est donc pas de défendre ces langues, mais de mieux les comprendre et de mieux comprendre leur place (hier comme aujourd’hui) dans nos vies, afin de dépasser les clivages. En outre, ces langues sont-elles vraiment "mortes" ou représentent-elles le dernier fil qui nous retient à une culture en perdition ?
Entre recherche historique et anecdotes étymologiques, le livre nous ramène à la longue relation amour/haine liée à l’utilisation du grec et du latin, à ce qui a fait cette relation ambiguë au fil du temps (notamment le rapport de caste lié à l’utilisation du latin), mais aussi à comment, de bien des façons, les usages restent ancrés dans nos  sociétés…et pas forcément pour les raisons qui sont généralement évoquées (en premier lieu : l’apprentissage de ces langues aide à comprendre le français…ce qui selon le livre semble être un argument plus ou moins fallacieux). 


Faute d’une conclusion tranchée à la question initiale, le lecteur est ramené à une autre interrogation : tel un arbre dont la stabilité ne tient qu’à ses racines, notre futur n’est-il pas dépendant de notre passé? À vous d’en décider donc, selon l’écho que les différentes informations que vous aurez lues pourront avoir de votre côté. Personnellement, loin de l’argumentation à laquelle je m’attendais, j’ai trouvé la perspective assez fluide, étayée et très instructive. 

Chronique par Romina Rinaldi