BD : Magic Pen

Auteur : Horrocks

Editeur : Casterman



(Roman graphique adulte)
Remarqué en 2010 avec Hicksville, un ouvrage imparfait mais original (aujourd'hui réédité par Casterman), Dylan Horrocks aborde dans Magic Pen les thèmes de la panne d’inspiration (encore), de la tentation de céder à la facilité, de la responsabilité du raconteur d’histoires dans la transmission de clichés sexistes et autres désirs titillant essentiellement les pulsions d’un lectorat masculin.



On suit les tribulations d’un certain Sam Zabel, auteur fictif de premiers comics intitulés Pickle. Ce qui pimentait autrefois sa vie en revanche - ses passions, ses ambitions, sa relation avec sa compagne - semble aujourd’hui réduit à la grisaille. Censé livrer depuis plus d’une semaine un scénario de commande - la reprise des aventures de la super-sexy-violente-héroïne Lady Night -, l’homme accumule le retard. 

Au gré d’un colloque, d’une rencontre avec Alice, jeune dessinatrice et bloggeuse, puis d'un éternuement lors d'une lecture fortuite, Sam va basculer “de l’autre côté du miroir”. Il se retrouve en effet téléporté successivement dans plusieurs univers fantasmés, se lançant à la recherche d’une plume magique qui leur a donné vie. Cette quête nouvelle le fera voyager du space opera au manga hentaï (pornographique), en passant par des récit de pirates, des clichés moyen-âgeux grivois, lui fera croiser de sulfureuses marquises, le propulsera dans un paradis hippie… Sam s’y sentira tour à tour usurpateur, puis victime du fantasme des autres. Alice, au contraire, semble bien décidée à s’approprier ces mondes imaginaires pour les subvertir et servir ses propres désirs (plus féministes). Et puis il y a Miki, écolière japonaise surdouée, tiraillée entre la fuite et l’attrait d’un fantasme sordide dans lequel elle s’est vue inscrite contre son gré.



Un séjour lunaire, au pied d’une tour tranquille, permettra enfin à Sam de questionner la très pervertie Lady Night sur les intentions de son créateur d’origine. Un dialogue simple, mais éclairant.



Quelle est donc la plus grande ambition ou utopie des raconteurs d’histoires ? D’où tirent-ils la vitalité de leur souffle inspirationnel ? 
C’est la question principale que semble finalement poser ce livre épais, avec beaucoup de références érudites (reprises en fin d’ouvrage, pour ne pas gêner la fluidité de lecture) et un dessin en ligne claire et sage, presque hergéenne... ce qui n’empêchera pas la représentation de quelques scènes sexuellement torrides. 

La volonté de rester très accessible, classique, voire paradoxalement "jeunesse" dans le traitement graphique, limite - selon nous - la portée émotionnelle de cette réflexion intéressante. Le dénouement est toutefois touchant… et assez stimulant pour tout lecteur créatif.

Chronique collective de la rédaction Asteline