ESSAIS : Nos points faibles sont nos meilleurs atouts / Tous Winners



Auteur : Gladwell

Editeur : Flammarion




Malcolm Gladwell s’était précédemment fait remarquer par ses sujets scientifiques et économiques dans le Washington Post, en tant que membre de la rédaction du New Yorker et par son essai "bestseller" Point de bascule. Ce sont deux autres ouvrages de cette “tête bien faite” que Flammarion édite aujourd’hui. L’auteur persévère dans l’analyse cartésienne des mécanismes qui engendrent la “réussite”, qu’il s’agisse de succès scolaires, de surpassement de soi dans des situations difficiles, des phénomènes de mode ou encore des innovations géniales. 

Le premier volume, Nos points faibles sont nos meilleurs atouts, est  sous-titré “La loi de David et Goliath ou les 3 raisons de croire à ses chances quand on en manque singulièrement”. Gladwell réunit ici les témoignages de parcours de vie difficiles. Qu’il s’agisse de voir les avantages des inconvénients (et l’inverse), de difficultés qui s’avèrent finalement souhaitables ou des limites du pouvoir, la succession de récits biographiques proposés défie toute notion de fatalité.



Rosemary Lawlor venait d’avoir un bébé et d’acheter une maison à Belfast avec son mari… en 1969, quand ont débuté les violents conflits nord-irlandais. Ce sont des circonstances humiliantes, harcelantes et tragiques qui l’ont poussée à l’insubordination et à des actes héroïques, déjouant les agissements illégitimes de l’armée Britannique qui était censée protéger sa communauté.



David Boies est un ancien travailleur de la construction avec à peine un diplôme d’études secondaires en poche. Comment cet homme, qui lit toujours relativement lentement, a pu, grâce à un apprentissage “par compensation” (plutôt que l’habituel apprentissage “par capitalisation”) devenir un des plus célèbres avocats au monde ?



La plupart des gens affligés de grands handicaps ne sont pas capables de surmonter toutes les difficultés. Mais ce qu’on réalise ici, c’est à quel point ceux qui y parviennent améliorent leur sort. Ce qui s’acquiert par nécessité est indéniablement puissant.

D’autres cas présentés ici, mais aussi et surtout dans le second ouvrage que je vais vous présenter ici, pourraient en revanche se résumer par cette citation du dramaturge George Bernard Shaw : “L’homme raisonnable s’adapte au monde. Celui qui est déraisonnable s’obstine à essayer d’adapter le monde à lui-même. Tout progrès dépend  donc de l’homme déraisonnable.”



Les éditions Flammarion rééditent donc au format poche (dans leur collection “Champs Essais”) et quasi simultanément Tous Winners. Bien évidemment, “le succès est fonction de la persévérance, de la ténacité et de la volonté de travailler dur pendant vingt-deux minutes  pour trouver un sens à quelque chose que la plupart des gens abandonneraient après trente secondes”, mais Gladwell relève d’autre part d’étranges coïncidences liées aux circonstances extérieures dans plusieurs parcours notoires de réussite sociale. Ainsi, les liens entre des contextes historiques et des dates de naissance permettraient aujourd’hui d’expliquer l'ascension (ou l'oubli) de certains esprits géniaux. L’éducation liée à la classe sociale favoriserait aussi certaines attitudes et aptitudes. La suprématie asiatique en matière de mathématiques pourrait bien trouver son origine dans la cohérence linguistique chinoise avec les données chiffrées, ce qui faciliterait l’apprentissage du calcul. Etc.



Si Gladwell énonce des choses à contre-courant des idées reçues, il crée paradoxalement de nouvelles stigmatisations. Au final, on peut légitimement se demander si la “réussite” tient bien systématiquement à toutes ces savantes conclusions, si ces considérations hyper-intellectuelles ne sont pas trop affirmées et américaines pour être encore considérées comme objectives.

Même si ses analyses extrêmement rationnelles brassent assez large, je trouve qu’il est difficile de rester concentré de bout en bout, ces livres faisant souvent appel à des digressions, des mises en parallèle comparatives avec des études ou d’autres situations. On perd parfois le fil dans des considérations plus pointues qui ne peuvent pas toutes nous captiver. 

Intéressant oui, mais inégal et quelquefois indigeste.  




Chronique par Joachim