ROMAN : Tous les oiseaux du ciel

Auteur : Wyld
Éditeur : Actes sud


Jake est une jeune australienne exilée sur une petite île britannique. Elle y élève des moutons avec pour seul compagnon son chien Dog. Fruste et solitaire, elle évite la compagnie des autres habitants et semble même s’en méfier. Cette méfiance ne fait que s’empirer lorsqu’elle retrouve certains de ses moutons sauvagement mutilés. Jake se sent menacée et le lecteur comprend vite que ce qu’elle craint le plus, c’est d’être rattrapée par son passé.

Ce passé sombre et violent de l'héroïne, Evie Wyld choisit de nous le dévoiler par une succession de flash-backs progessifs. Par chapitres alternés, entre description de son quotidien actuel et retour vers le passé, on découvre, à rebours, les épisodes d’une vie où peu des violences faites aux femmes ont été épargnées à Jake : sa première expérience de tondeuse de moutons dans un environnement rude et exclusivement masculin ; avant cela, sa séquestration dans une ferme isolée par Otto, vieillard sadique ; avant cela encore, sa vie de sans-abri dont elle n'était parvenue à s’échapper qu’en tombant dans la prostitution. D’un épisode douloureux à un autre, on remonte ainsi le fil d’une vie où se dessine, par dévoilement progressif, la photo de l’événement déclencheur qui a poussé Jake à fuir sa famille et à s’engouffrer dans ce destin difficile.

Ce qui frappe notamment dans l’écriture d’Evie Wyld, c’est son emploi particulier des temps. La vie actuelle de Jake est toujours décrite au passé, comme si tout était déjà joué. Alors que les flash-backs sont rédigés au présent comme pour insister sur leur actualité : les malheurs passés sont toujours "présents" dans la tête et la vie de l’héroïne… au point peut-être de se substituer à ce qu’elle vit réellement dans son nouveau quotidien.

C’est brut de décoffrage, à la fois sec comme les paysages arides de l’Australie et pluvieux comme les cieux humides de l’Angleterre, très cru souvent et toujours à fleur de peau. Malgré tout, ce roman sombre laisse apercevoir quelques lueurs d’espoir, notamment à travers le personnage de Loyd, un autre écorché qui croise son destin et  grâce à qui Jake va petit à petit réapprendre à faire confiance au genre humain et à la gente masculine en particulier.

Chronique par Sandra Mangoubi