BD-reportage : Revenants

Auteurs : Maël et Morel
Editeur : Futuropolis


Si les troubles de stress post-traumatiques des vétérans d'Irak en est le thème, ceci n'est pas une adaptation en bande dessinée du film L'âme en sang (diffusé sur Arte en 2011) d'Olivier Morel, mais en serait une sorte de "making of", présentant l'origine du documentaire cinématographique, les émotions derrière la caméra et autres moments qui n'ont pas pu être captés sur la "pellicule".

Le nombre de suicides de vétérans revenus sur le sol américain a dépasséle nombre de soldats tombés en Irak. Mis à l'écart par la société américaine, ceux-ci sont en proie à ces souvenirs obsédants d'ordres horribles qu'ils ont dû exécuter ou, pour certains, les souvenirs de leur propre monstruosité :

"Quand je suis arrivé sur le terrain à Ramadi, j'étais si haineux et aveugle à la réalité que j'espérais saisir le plus vite possible ma chance de tuer et de montrer ma force. (...) Nous avons rigolé à la vue d'un crâne explosant sous nos rafales. Nous avons rigolé lorsque des éléments de notre unité sont revenus de patrouille avec des cadavres accrochés sur le capot après avoir paradé ainsi dans la ville pendant des heures. On peut bien changer les règles d'engagement de tir. En attendant, les innocents que j'ai tués ne seront pas ramenés à la vie. (...) Quand s'est dissipé l'anesthésique lavage de cerveau que j'ai subi dans les marines en Irak, il était trop tard pour espérer jamais me remettre de ce que j'avais vécu, de ce que j'avais fait."

Un récit poignant, traité en valeurs de gris et de sanguine. Déprimant aussi, forcément. En préface, le philosophe Marc Crépon s'exprime en ces mots justes : "On a coutume de lier la guerre au sacrifice. Mais lorsqu'on parle d'une "génération sacrifiée", cela ne concerne pas seulement les jeunes hommes et les jeunes femmes qui y auront laissé leur vie, cela touche aussi tous ceux et celles dont les violences extraordinaires imposées par la guerre auront brisé la confiance qu'ils pouvaient mettre dans la vie, qu'ils en soient les acteurs ou les spectateurs."

Chronique par Jean Alinea


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