ROMAN : L'amour comme par hasard

Auteur : Eva Rice
Editeur : Flammarion


Londres, 1954. Alors qu’elle s’apprête à prendre le bus pour rentrer chez elle - une splendide mais agonisante demeure nommée Milton Magna -, Pénélope Wallace, dix-huit ans, se laisse convaincre par la pétillante et tout-à-fait inconnue Charlotte Ferris de partager un taxi et… pourquoi pas, un thé, chez sa tante. Alors que Pénélope a tout de la jeune bourgeoise britannique propre et distinguée, Charlotte est assurée, risque-tout et n’a pas sa langue dans sa poche. Leurs principaux points communs : une appartenance à l’aristocratie désargentée et une adoration démesurée pour le chanteur américain Johnnie Ray.

Une amitié qui débute dans l’incongruité et la spontanéité, mais fait découvrir à Pénélope des personnages étonnants, comme cette Tante Clare si séduisante ou Harry, son fils, apprenti magicien fou amoureux d’une actrice américaine superficielle qui lui a préféré un autre (plus riche, celui-là).

Alors qu’elle oscille entre vieille Angleterre et les sirènes de la vie moderne, Pénélope voit tout son monde changer. Entraînée par Harry dans une combine qui lui permettra peut-être de réparer son cœur brisé, subjuguée par un producteur américain du nom de Rocky Dakota, bercée par la voix de Johnnie Ray et les soirées lumineuses et arrosées de la belle société, elle vit ces chamboulements excitants avec intensité, malgré l’absence cuisante d’un père mort à la guerre et le chagrin d’une mère si jeune, si différente, si belle.

Une plongée passionnante dans un Londres après-guerre, encore fragile et dérouté. Une atmosphère attrayante, toute en lumières et premiers pas de l’afflux moderniste américain (tellement synonyme d’Eldorado pour la jeunesse anglaise de l’époque, du moins celle du roman…), attisée par l’imposante aura du manoir Magna, symbole et personnage à part entière qui évolue, vit, vieillit et laisse planer sur l’ensemble de l’histoire un sentiment de nostalgie et une curiosité un peu fantastique.

Eva Rice, par son ton et sa vivacité, sait où poser le charme dans son récit. Ses personnages sont autre chose que des marionnettes au bout de sa plume, même si ladite plume reste assez conventionnelle (mais qu’importe là où la narration est dynamique, en fin de compte !) Un roman qui se lit avec allégresse et un brin de tendresse, et qui aurait mieux porté en français la traduction littérale de son original : The lost art of keeping secrets.

Chronique par Virginie