ROMAN : Chaos calme


Auteur : Sandro Veronesi 
Editeur : Grasset

Ce livre aurait pu être un autre livre parmi tous ceux sur le deuil, la perte, l’inconsolable absence qui fait peser les jours et hurler les nuits. Mais c’est sous un autre regard, celui de la subtile et étonnante absence de souffrance que Sandro Veronesi nous laisse observer son personnage, Pietro Paladini.

Alors qu’avec son frère il sauve la vie de deux femmes sur une plage de la mer Tyrrhénienne, Lara, sa compagne, meurt brutalement d’une rupture d’anévrisme, le laissant seul avec leur fillette d’une dizaine d’années, Claudia. L’été s’écoule, les aléas pragmatiques s’estompent, vient la rentrée des classes et Pietro, sur un coup de tête, promet à sa fille de rester sur un banc, en face de l’école, pour l’attendre. Toute la journée. Promesse non seulement sérieuse mais qui s’étendra sur les jours et semaines qui suivront.

Alors que tout le monde pense que c’est là un signe de désespoir, d’incapacité à reprendre sa vie en main, Pietro, lui, attend toujours de souffrir. Attend la lame de fond qui le mettra pour de bon au tapis. Mais rien. Pourtant, amis, collègues, famille, viennent tous le voir. Pour prendre de ses nouvelles, d’abord, et… pour s’épancher, ensuite. Chacun amenant son baluchon de douleurs et d’incertitudes pour le déverser à ses pieds. 

Sur fond de fusion internationale, de questionnements éthiques et de perplexités sexuelles, Pietro renonce simplement à la comédie sociale mais devra bien y laisser quelques plumes. Celles de ses zones d’ombre, de ses paradoxes, de ses erreurs, de ses illusions égoïstes…

Extrêmement bien construit, Chaos calme alterne des passages d’observation tendre, de brutale réalité, d’intimités déboussolées. Par ce simple décalage, cette réaction non conforme au cadre social convenu, Sandro Veronesi laisse ainsi se démanteler les masques et les rythmes, les croyances et les orgueils, et ce, au travers d’un personnage central contrasté, mâture et adolescent à la fois, mais aussi d’un ensemble de seconds rôles originaux et pertinents. 

Un tout grand roman, bruyant et paisible à la fois, qu’on aurait aimé lire sur un banc, quelque part dans un square de Milan…

Chronique par Virginie