BD : Quai d'Orsay - Chroniques diplomatiques (2 tomes)

Auteurs : Blain et Lanzac
Editeur : Dargaud


Dans Gus, Christophe Blain épurait déjà conséquemment le dessin pour nous livrer un brillant western humoristique et sentimental en trois actes. Ici, il va encore davantage à l'essentiel de son style, puisque, hormis pour les couvertures, il reste peu de concessions à l'esthétisme. Minimalistes au premier coup d'oeil, les planches dévoilent à la lecture une maestria totale dans l'expressivité faciale des personnages,dans la dynamique graphique de chacun de leurs gestes, dans les dialogues et le tempo de narration. Le jeu avec les codes de la bande dessinée (onomatopées, lignes de mouvement, formes des phylactères, couleurs franches, ellipses) est utilisé au summum de son efficacité.

On suit ici Arthur Vlaminck, jeune homme fraîchement engagé au Ministère des Affaires Etrangères français, et dont la tâche principale est de rédiger les discours du ministre Taillard de Worms, personnage a la stature emblématique (parfois même variable, de normale à géante), au tempérament trempé et qui représente, à lui tout seul, la principale animation de ces Chroniques diplomatiques. Entre ses apparitions et ses départs en trombe, il est visionnaire, rapide, éloquant de ses mains, précis, d'humeur communicative, directif, laissant ses collaborateurs sonnés par son passage et ses grandes réflexions en constante évolution. Un vrai courant d'air visuel et sonore qui vient rythmer le récit.

Si Blain était arrivé à intéresser les gastronomes avec En cuisine avec Alain Passard, parvenir à captiver le grand public sur près de 200 pages en ne traitant que des coulisses de la politique internationale des années Villepin... voilà encore une autre paire de manches ! L'essentiel des scènes se déroule dans des bureaux et pourtant on est tenus en haleine; les personnages ressemblent à des caricatures et pourtant ils nous semblent réalistes; les problématiques sont très complexes (seconde Guerre du Golfe imminente) et pourtant on comprend tout sans la moindre présence de pavé didactique, ni la moindre prise de position manichéenne.

Au final, on ne peut qu'applaudir ces deux bouquins co-écrits par Christophe Blain et Abel Lanzac. Derrière le pseudonyme emprunté par ce dernier se cacherait un homme ayant travaillé pendant des années au ministère et qui écrivit les discours de Villepin. Je me disais bien que ça sentait le vécu !

Chronique par Joachim Regout