BD : Chagall en Russie (2 tomes)

Auteur : Sfar
Editeur : Gallimard



Etre actif dans le secteur du cinéma (cf. le film Gainsbourg (vie héroïque) et l’adaptation animée du Chat du Rabbin) n’empêche nullement Joann Sfar de rester hyper-prolifique en bandes dessinées. 

Après Pascin (à l’Association), après Antoine de Saint-Exupéry (version BD du Petit Prince chez Gallimard), après Serge Gainsbourg, Joann Sfar rend hommage, de manière extrêmement libre, à la vie et l’œuvre de Marc Chagall.

Autant le savoir : les éléments biographiques véridiques sont quasiment ignorés dans ce récit. C’est en effet l’univers poétique et onirique du peintre, ainsi que le folklore de la culture juive dont il est issu, qui servent de terreau fertile pour le conte initiatique joliment délirant que nous propose Sfar : on retrouve des personnages volants, le violon, l’Opéra de Paris, et les animaux font référence à ceux que le peintre représentait dans ses tableaux…

Représenté jeune et roux, Chagall est ici, de l’aveu de l’auteur-dessinateur, avant tout inspiré de lui-même et de son pote Christophe Blain. Souffrant d’un amour impossible, le protagoniste part à l’aventure et sera rapidement rejoint dans ses péripéties par Tam, un simple d’esprit égorgeur d’animaux ; de Jésus, un prêcheur verdâtre aussi fou que masochiste ; et d’un violoniste stakhanoviste de musique klezmer. A ce stade-là, on se croirait presque dans Le Magicien d’Oz à la sauce yiddish. L’histoire semble d’abord tâtonner au gré des improvisations, avant de faire allusion, dans le second tome, à des thèmes graves (massacres antisémites) tout en maintenant le ton farfelu et léger. "Ca serait indigne, quand on va dans cette époque, dans cette région, de s’en tenir au Violon sur le toit. C’est un récit sur les gens dont on ne veut plus, qui savent qu’ils vont disparaître et qui ne savent pas où se sauver." dit Sfar.

Sur le plan du dessin, toutes les pages présentent cette fois un simpliste "gaufrier" de six cases invariables en taille. La mise en scène et les cadrages sont par contre toujours efficaces et parfois audacieux. Sfar se permet, comme d’habitude, des discontinuités stylistiques, une alternance entre de "l’appliqué" et du "jeté"…  voire quelquefois du "mal torché". Mais il faut reconnaître que la spontanéité et la liberté avec laquelle ce conteur-né met ses histoires en scène est désarçonnante.

S
ans être du Sfar grand cru, le diptyque Chagall en Russie se lit agréablement et présente une galerie de personnages originaux et attachants.
 
Chronique collective de la rédaction Asteline