Interview de Francois Boucq - partie 2

A PROPOS DE BOUNCER :

Le fait d’avoir dû abandonner le projet spin-off Blueberry 1900 avec Jean Giraud a-t-il nourri le besoin de faire cet autre western qu’est Bouncer ?
L’univers du western est attirant pour un dessinateur parce que des dessinateurs prestigieux comme Giraud et Jijé y ont créé une esthétique particulière pour la bande dessinée ; parce qu’on peut y représenter des espace énormes ; parce qu’il y a des personnages qui vont jusqu’au bout de l’odieux ou de l’héroïque… C’est donc avant tout un contexte idéal pour raconter des histoires. Avant que Giraud ne me propose le projet Blueberry 1900 je ne me serais pas autorisé à penser que je puisse faire un western. Parce qu’on ne peut presque pas le faire aujourd’hui sans demander l’autorisation à Giraud d’aller sur son territoire. Alors quand c’est lui qui vous le propose, ça devient intéressant. Ensuite, le projet Blueberry 1900 n’a pu se concrétiser suite à des problèmes insolubles avec les héritiers de Charlier. Mais l’envie de m’atteler au genre est restée. Et comme c’était aussi un rêve d’Alejandro Jodorowsky et que nous traversions une période un peu trouble avec Casterman (ce qui est résolu à présent) nous nous sommes très vite décidés à nous lancer sur une série western ensemble.

Est-ce que le genre western est encore renouvelable ?
Le défi du western est celui de créer quelque chose de neuf là où tout semblait avoir été épuisé. Il ne faut pas oublier que le western c’est aussi un pan d’histoire d’un pays et qu’un millier de choses se sont donc produites. On peut toujours trouver des histoires incroyables à y raconter. Mais sur le plan littéraire en BD, le western est avant tout un cadre esthétique et narratif qui laisse la possibilité à toutes les expressions de l’être humain. A cette époque-là, toutes les aberrations de violence, de tensions entre individus étaient possibles. On n’a pas à définir le cadre de l’action parce qu’il est connu de tous, on peut aller directement à l’action. Dans d’autres genres, il faut une mise en condition, une explication avant de pouvoir aborder les enjeux et l’action. Ou alors ça se passe en simultané mais il faut toujours que le lecteur se familiarise petit à petit avec le cadre de l’action pour croire à l’action.