BD : Seuls - T14 : Les Protecteurs

Se lancer comme moi dans la lecture d'une série de BD à succès en commençant par le tome 14 peut sembler saugrenu* !
Pas tant que ça en y regardant de plus près. Lancée il y a maintenant 18 ans, la saga pour ados de Bruno Gazzotti (dessinateur d'une autre série qui cartonne, Soda) et Fabien Vehlmann change d'abord d'éditeur : de chez Dupuis, elle passe chez Rue de Sèvres. Les quatre premières pages sont donc l'occasion de résumer rapidement l'intrigue et de présenter les personnages principaux. Les trois dernières présentent les quinze familles protagonistes, ainsi qu'une description du monde dans lequel elles vivent.

Pour tenter de faire court, Terry, Dodgi, Leïla, Yvan et Camille sont cinq jeunes, décédés quasiment au même moment (durant la "nuit des Anges"). Depuis ils errent dans un univers parallèle, les Limbes. Dans ce monde assez hostile, Saul, un enfant doté d'importants pouvoirs destructeurs, est l'élu des "premières familles", auto-proclamées "camp des Lumières". Associé avec Toussaint, un militaire sadique - dont la devise est "la fin justifie les moyens" - , Saul mène une guerre au prétendu "camp des Ténèbres"... que composeraient nos cinq héros !

Lors des aventures des précédents tomes, ce club des cinq au pays des morts s'est éparpillé puis enfin retrouvé lors du tome 13. Terry est toujours le benjamin naïf mais débrouillard ; Dodgi est censé ramener la paix dans les Limbes (condition sine qua non pour que s'ouvrent les portes du Paradis) ; Leïla s'impose comme la leader du groupe ; Yvan est l'élément inventif et drôle de la bande ; et enfin Camille, qui a été désignée comme "l'enfant-Minuit", soit "l'élue du mal" par le camp adverse selon le camp des Lumières. Cette dernière est toutefois la faille de Saul, qui en est amoureux.

Ce tome 14 est intitulé Les Protecteurs, du nom des statues que Saul a réussi à mouvoir, avec pour but de prendre pour cible ceux - Leïla en priorité - dont il veut la "mort dernière", l'élimination définitive de l'existence, même dans les Limbes.  Parallèlement à cette poursuite, des alliances se font et se défont, et nos jeunes cherchent des éléments expliquant leur présence dans ce contexte et surtout comment en sortir.

De l'avis des auteurs eux-mêmes, l'ambition de Seuls est de créer un mélange entre Sa majesté des mouches et Mad Max (!), capable de bousculer les ados de 10 à 14 ans, afin qu'ils se posent des questions sur la vie, quasi philosophiques. Plonger ainsi une bande de jeunes défunts, découvrant leurs pouvoirs embryonnaires dans un monde dirigé par des individus qui, eux, ont déjà appris à les développer, et observer comment ils se débrouillent, il faut admettre que ça a de quoi interloquer. A l'instar des contes qui, par leur côté horrifique, aident à structurer les peurs et angoisses des enfants, Seuls a la volonté de faire grandir les plus grands vers l'âge adulte et ses soucis propres : la mort, le bien et le mal, les structures organisationnelles, le pouvoir, la place dans la société, etc...

Non seulement on peut donc commencer par ce tome 14, qu'on peut considérer comme un numéro de transition, mais je pense qu'il poussera ses lecteurs à reprendre l'histoire dès le début et ensuite à poursuivre avec le déjà annoncé tome 15, L'Hôtel au bord du monde.
 

Chronique par Reynald Riclet


* Lisez aussi l'avis des rédacteurs d'Asteline qui ont lu les tomes précédents :
tome 2
tome 5
tome 8